Karma, ce judas
Le karma m’a rattrapé et m’a mis une grande claque dans la mouille pour mon lâche abandon du vélo. Aux dernières nouvelles Karma s’appellerait en fait Thaïlande, et ce dernier m’a dit « No vietnamese motorbike » lorsque j’ai voulu passer la frontière Laos – Thaïlande. « No vietnamese motorbike », c’est la phrase que m’a assené sans relâche la douanière thaï qui semblait ne parler que 3 mots d’angais : no-vietnamese-motorbike. Ca y est vous avez compris ? Karma a un petit frère qui s’appelle Laos car il semblerait que ce jour là fut mon dernier jour de visa laotien, c’était un dimanche, donc le bureau d’immigration où j’aurai pu faire étendre mon visa était fermé. Et dans tous les cas il faut le faire étendre 3 jours avant son expiration.
Je me retrouve donc comme un con devant cette frontière thaï après avoir quitté le Laos – le tampon « EXIT » sur mon passeport ne laissant aucun doute à ce sujet – à réfléchir sur ce que je vais bien pouvoir faire… Pour commencer, il faut re-rentrer au Laos. « Votre visa expire aujourd’hui il faut en faire un nouveau ». « Heu… non non c’est bon demain je le fais étendre au bureau de l’immigration » dis-je avec ma flute enchantée. Ca passe, et un nouveau tampon « CANCEL » se superpose au précédent.
De retour à Paksé j’explore mes possibilités. Elles sont dans l’ensemble assez rares et merdiques. La première étant de laisser la moto à Paksé pour 1 mois et de prendre un bus pour Bangkok. La seconde, de remonter tout le Laos et de tenter toutes les frontières thaïlandaises. Le problème avec cette solution est que si ça ne marche pas, je me retrouve à faire 1400km aller-retour pour retourner à Paksé ! Ca va coûter cher en essence et en extension de visa (10$ / jour). La troisième, surgit de je ne sais quelle connexion entre 2 synapses jusqu’alors endormies est de passer par le Cambodge et d’aviser sur place ! Eux ne sont pas regardant sur la provenance des motos.
Le lendemain, direction la frontière à 150 bornes au sud. Après quelques bakchichs aux douaniers (2$ le tampon + 2$ l’autre tampon), me voilà sorti du Laos ! Je ne fais pas de vagues pour ces saloperies de douaniers corrompus car ils savent pertinemment qu’ils peuvent m’emm… avec la moto.
Sur la route de Siem Reap se trouvent quelques attractions touristiques dont la plus connue est les dauphins d’eau douce. Ils sont plutôt laids avec leur grosse tête d’hydrocéphale, aussi je décide de ne pas perdre une journée avec ça. En revanche la région que je traverse est remplie de plantations d’hévéas et de fabrique de caoutchouc dont une est apparemment ouverte aux visiteurs. Il s’agit de Chup Rubber, situé à Chup :P
1$ l’entrée pour être libre de déambuler partout dans l’usine, au milieu des employés et machines. Pas de guide, du coup je ne comprendrais qu’à la fin les différentes étapes de fabrication lorsque je rencontre un papi parlant français. En gros, le caoutchouc est récolté sur les hévéas, mis dans une solution chimique pour le transformer en pâte liquide blanche. Ensuite entreposé dans de longs bacs ressemblant à des piscines olympiques pour lilliputiens où quelqu’un passe sa journée à passer un « rouleau à pâtisserie » sur le caoutchouc pour en extraire l’eau. Ce dernier sèche puis est broyé successivement par plusieurs gros rouleaux pour augmenter sa densité. Puis c’est le séchage / cuisson où le caoutchouc prend une teinte jaunâtre et ressort en gros pains de 35kg. Le pain est compressé et ressemble à s’y méprendre à un petit pain géant tout droit sorti des usines Tricatel. J’ai hésité avec le ptit cake de Ghostbuster… Emballé, conditionné en palettes de 1,2 tonnes (4500$ chacune), il est prêt à être envoyé partout dans le monde. Le plus gros client est la Chine, puis US et Europe. En France leur principal client est Michelin.
De rien pour cette interlude culturelle.
J’arrive à Siem Reap le lendemain où j’en profite pour checker les forums où j’ai laissé un message « Thaïland + motorbike = mission impossible ? ». Les réponses ne sont pas encourageantes du tout. Je négocie le gardiennage de la moto pour 15$ par mois à la guesthouse où je crèche et réserve un bus pour Bangkok pour le lendemain.
Cette courte parenthèse au Cambodge m’aura donné un aperçu du pays. Il y a énormément de similarités avec le Laos, en plus pauvre et plus crade à mon avis. Siem Reap est rempli de mendiants estropiés, les guerres qui ont ravagé ce pays et les milliers de mines encore dans les campagnes n’y sont pas pour rien. Les gens sont adorables, les enfants sur la route ne crient plus « Saibadee » mais « Hello ». Mais si on me lâchait dans la campagne, je ne saurai différencier le Laos du Cambodge.
Le monde est petit, j’ai revu à Kratie Philip et Ana, un couple d’anglais croisé deux fois au Laos ainsi que Thomas et Maud, couple de belge croisé une multitude de fois dans ce même pays. Et ce soir à Siem Reap, je revois Kristian, un danois avec qui nous avions passé deux semaines au Laos.
Et non, je ne regrette pas ma moto !