Terroristes biologiques
Savez-vous à quel point les australiens sont flippés de se retrouver avec un virus inconnu sur les bras, un poulet à trois pattes ou un lapin crétin qui contaminerait tout le reste du cheptel ? C’est arrivé en 1859 lorsqu’un chasseur britannique importa 12 couples de lapins et pas assez de cartouches. Les lapinous se retrouvèrent 600 millions 50 ans plus tard ! N’ayant pas de prédateur en Australie, les lapins furent plus gloutons que Taz lui-même et entraîna une chute de population chez les autres animaux. Pour tenter d’endiguer le problème, 3000km de barrière ne serviront à rien, ainsi que 2 virus et des renards qui ne s’attaqueront pas tout à fait aux bonnes bestioles. Depuis les australiens se méfient de chaque bactérie qui pourrait venir perturber l’équilibre biologique de leur continent.
On était également au courant, et après 2 semaines à patauger dans la gadoue en Papouasie Nouvelle Guinée, un grand nettoyage était au programme avant de quitter le pays. Les vélos étaient recouverts de boue, leur housses remplies de terre séchée et nos sacs avaient acquis un voile grisâtre uniforme au court des derniers mois.
Bien sûr c’était évidemment sans compter deux diarrhées carabinées et une grosse infection du genou. Bref, on est arrivés tout cradingues sur l’immaculée Australie, incertains de ce qui nous arriverait à la douane de M. Propre™.
Dans l’avion il faut remplir la classique petite fiche d’immigration. Cette fois on ne nous demande pas si nous sommes des terroristes, mais si nos chaussures sont bien propres et nos aisselles parfumées. On a évidemment la grille gagnante : « a été au contact d’animaux, de fermes, de végétaux et bactéries en tout genre ». On est officiellement estampillés terroristes biologiques.
Débarqués de notre mini avion rempli d’Australiens tout propres, notre dégaine et les petites fiches jaunes nous trahissent de suite. Notre dernière douche remonte à plusieurs jours et nous avons passé la nuit dans l’aéroport de Port Moresby, entre un coin de moquette et les toilettes.
Alors que le terminal finit de se vider, nous vidons nos sacs devant les « douaniers biologistes » à la recherche du précieux germe qui pourrait chambouler tout l’écosystème australien. Toutes nos affaires sont enveloppées dans des sacs plastiques (en cas de pluie et d’étanchéité ratée) dont certains révèlent quelques surprises, tel un sac de fringues humides à l’odeur pestilentielle. Nos amis douaniers sont en face d’un cas d’étude et sont tout excités à l’idée de trouver une nouvelle espèce d’insecte plutôt que de courir après des pommes. Hé oui ne comptez pas importer une pomme en Australie, Terroristes !
On se retrouve tous les quatres à aspirer les recoins des sacs et à nettoyer les vélos dans une douche géante à la brosse à dent et au dégraissant. Le visage de ma douanière s’éclaire lorsque je déplie les tentes. De petits insectes morts étaient coincés dans la toile intérieure. Ni une ni deux, elle en prélève une partie, toutefois un peu déçue de ne pas avoir trouvé d’oeufs (l’ennemi public).
Après 2 heures de nettoyage de printemps, nous sommes autorisés à entrer en Australie, propres. Pour fêter ça, on passera notre première nuit sur le sol, propre, de l’aéroport.
Quitte à être paranos, les australiens se sont également dit « pourquoi pas interdire l’importation de fruits et légumes en Western Australia !? » (Le Western Australia est l’état à l’ouest qui fait environ la moitié de l’Australie). Ainsi, au beau milieu de nul part trône une douane dont la tâche est d’empêcher la contrebande de fruits et légumes. Certains font des saisies de cocaïne… eux traquent les bananes et carottes illégales. À n’en pas douter, un acte certainement indispensable pour conserver l’équilibre écologique de cette région dont les frontières ont été tracées à la règle.
René Le Honzec est l’auteur du dessin illustrant l’article. Réalisé dans le cadre d’une re-publication de cet article sur le site Contrepoints, l’auteur a aimablement autorisé son autorisation sur ce site.