On the desert road
Le départ de San Francisco fut très difficile. Un mois sans vélo, à dormir dans un vrai lit, une belle ville, des hôtes incroyables, une cuisine, des bières. On avait pas vraiment de raison valable pour repartir pédaler, camper et manger notre platée de riz quotidienne. La motivation n’est pas au rendez-vous et la chance non plus : deuxième jour mon pédalier se fend en deux. C’est parti pour une heure de stop jusqu’à Santa Cruz où il faut visiter 5 magasins de vélo pour trouver la pièce. Tous me confirment que ça ne casse jamais.
Passée la déception, il nous faut désormais un challenge, un truc qui pousse nos esprits loin des plaisirs San Francisco. La Highway 1 longeant la côte est jolie mais ce n’est pas suffisant. On s’essaie au sommeil polyphasique sans vraiment savoir comment ça marche. On en a tous les deux vaguement entendu parlé, pourquoi ne pas allier vélo et courtes pauses jour et nuit? Ça sonne comme une idée parfaitement insupportable, lançons-nous! Première pause à 8h du soir, nous ne prenons même pas la peine de monter la tente ou de gonfler un matelas et nous nous reposons à même le sol pendant une heure avant de repartir et de constater que la route commence à sérieusement grimper. Nous sommes dans le Big Sur. La montagne c’est déjà pas marrant de jour, mais de nuit et fatigués, ça devient carrément infernal. Deuxième pause à 1 h du matin, le temps de rencontrer un ovni, un mec qui vient d’Alabama et qui marche du Nord au Sud des Etats-Unis sans bagage, de nuit, seul. Qui a dit Forrest Gump?
Troisième pause à 5h, il fait jour. Nous montons la toile de tente cette fois et dormons deux heures. Au réveil, nous sommes des zombies. Bilan de la nuit : 60km parcourus… C’est vraiment idéal pour commencer.
Après une heure de pédalage sur une route enfin plate, nous rencontrons deux couples de Français dont un se promène avec leur rottweiler dans une remorque. Une journée de pédalage en commun où nous avons rencontré plus de cyclistes que tout le reste du voyage. Nous décidons tout de même de poursuivre les folles nuits de pédalage et campons après Cayucos. Endormis à 20h, réveillés à… 6h du matin, notre cerveau a heureusement mis fin à cette expérience.
En route pour Las Vegas, il faut au choix traverser le désert de Mojave ou la vallée de la mort. Les deux semblent très attrayants pour deux cyclistes, n’est-ce pas? Comme nous n’avons aucunement l’intention de trainer en route, et parce que c’est plat, nous optons pour le Mojave. Motivés par notre choix, les vélos font 130km par jour avec un ravitaillement quotidien sur les aires de repos. Dans la ville de Mojave, les hangars de Virgin Galactics n’ouvrent pas leurs portes au clodos de passage, on n’en verra que le logo. Il faut préciser que notre hygiène douteuse et notre propension à manger par terre ne laisse pas insensible. Anecdote humiliante : une femme s’est un jour approchée sur une aire d’autoroute et nous a tendu un dollar chacun. L’égo en prend un coup mais ça a bien fait travailler nos zygomatiques.
Fin de la Californie et le début du Nevada est immédiatement marqué par une ville casino au milieu de rien : Primm. la ville est composé de 2 hôtels gigantesques, deux casinos gigantesques, un McDonald’s et une supérette ridicule. Personne n’est là pour admirer la flore. Trente kilomètres plus loin, Las Vegas! Ça y est, des touristes partout. L’entrée en ville est impressionnante, ces dingos ont reproduit tous les monuments célèbres du monde entier. New York en miniature, Paris en miniature, Venize, l’Egypte, etc. Ça c’est pour l’aspect extérieur.
Une fois dans le casino(/hotel/bar/casino/night-club/casino/strip-club) ils ont reproduit tout un dédale de rues avec fausses façades et ciel artificiel éclairé pour perdre la notion de jour et de nuit. L’effet est saisissant. Venize a même son réseau de canaux et ses gondoliers. Ils sont barjots mais c’est très drôle.
L’envers du décor est l’ambiance du soir : une bande de zombies devant des machines à sous, peu d’interaction entre les gens, pas de folie particulière si ce n’est architecturale. Tout le monde est dans sa bulle pour une ambiance générale que nous avons trouvé décevante. On a réussi l’exploit de ne pas dépenser un centime en machine à sous. Ça reste un endroit à découvrir.
Next destination : Grand Canyon. Nous trouvons entre temps le Hoover Dam. Une belle bête construite en 1935 pour un bilan de 111 morts sur le chantier. Et ce n’est ni le Qatar, ni le Brésil. J’ai lu plus tard que la base du barrage fait 200m d’épaisseur. Broutille.
Nous quittons le Nevada sur quelques images pitoyables de la police locale. Ils n’arrêtent pas de beugler pour un oui ou pour un non aux abord du barrage. La veille, alors que nous campions, un cow-boy est venu nous montrer son projecteur, ses gyros et son insigne comme s’il avait débusqué deux criminels de guerre. Passons, les Américains sont en général très sympas. Il faudrait d’ailleurs fortement revoir l’idée que l’on s’en fait en France. Cette bande d’illettrés incapables de situer la France sur une carte mais qui dominent le monde! L’excès de fast-food leur a depuis longtemps fait rétrécir le cerveau en même temps que leurs réserves adipeuses s’étendaient. À se demander s’il ne fait pas mieux vivre au Sahel où la diète rafraîchit l’esprit.
Bon sans rire, ce que nous avons observé durant ces deux mois n’a pas grand chose à voir avec les clichés habituels.
Non seulement on ne les a pas trouvés plus gras que la moyenne occidentale (bon, excepté dans quelques banlieues et quartiers pauvres, c’est vrai) mais ils apprécient la bonne bouffe. Ils sont juste un petit brin trop portés sur les « healthy food » à San Francisco. Moi, j’applique surtout la leçon de ma grand-mère : « tant qu’il y a assez de beurre et de crème, c’est toujours bon! »
Ils n’ont rien à nous envier question culture générale pour ce qu’on en a vu et nous dépassent de très loin sur leur motivation à progresser sur un plan personnel ou professionnel. Nombreux sont ceux qui prennent des cours du soir, et parlent souvent plusieurs langues. On ressent toujours l’esprit entrepreneurial qui a fait leur force. Et puis leur hospitalité et leur positivité fait toujours plaisir. En revanche, qu’est-ce qu’il y a comme jobs à la con. On se croirait parfois en Chine à voir tous ces types agiter des panneaux pendant des heures au carrefour pour faire un peu de pub. Ça marche ça?
Retour sur la route, nous sommes en plein désert mais la température chute de façon vertigineuse à l’approche du Grand Canyon. Nous trouvons régulièrement nos bouteilles complètement gelés au réveil. -10˚C la nuit dernière? C’est donc pour ça que j’ai eu froid aux pieds. Heureusement que nous sommes bien équipés avec nos sacs de couchage hiver et notre tente 4 saisons. Nous montons également à plus de 2000m d’altitude et le souffle s’en ressent sur le vélo. Le premier challenge du Grand Canyon est de trouver un coin pour camper hors de la vue du Ranger (enfin, le premier a été de rentrer sans payer).
Nous voici arrivés à l’un des plus beaux coins de notre périple, des paysages qui laissent sans voix. C’est sans doute le plus impressionnant que nous ayons vu depuis la Grande Muraille. Sur 50 km, les photos parleront mieux qu’une description mais se rendre sur place reste essentiel pour ressentir la magie de cet endroit.
Nous sommes tout de même pressés de redescendre et de gagner quelques degrés. Nous prenons la route la plus courte jusqu’à la frontière mexicaine : Flagstaff-Phoenix-Tucson-Nogales. Nous passons Thanksgiving sous un pont avant Phoenix et prenons notre douche bi-mensuelle à Tucson. Nous privilégions généralement les autoroutes à cause de la grande bande d’arrêt d’urgence. Ce sont pour nous les routes les plus sûres et nous militons pour l’ouverture des autoroutes de tous les pays aux cyclistes. Un point de vue que ne partage pas forcément la police d’Arizona mais qu’elle n’a pas su réfuter non plus au moment de nous expulser de la Highway pour les champs de cotons d’Eloy. C’est notre premier champ de coton qui ne soit pas à la télé, et aucune trace de noirs chantant les chaînes aux pieds.
Ce que la police n’interdit pas en revanche, c’est de rouler à moto sans casque et de porter des armes. C’est toujours surprenant de manger devant un McDonald’s et de voir un passer un gros bouseux avec le pétard bien en vue à la ceinture. Attention, je n’ai pas dit qu’il était bouseux parce qu’il portait un flingue. C’en était juste un.
La frontière Mexicaine se profile maintenant à l’horizon, les cactus à la Lucky Luke défilent et les derniers Américains nous bénissent avec leurs anges. On nous a même qualifiés de héros. Sans savoir ce qui justifiait cet excès d’amitié, héros, c’est toujours mieux que clodos!
Petit bonus de fin :
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