Au Cambodge, quand tu sautes pas sur une mine, t’as une tendinite
Ho Chi Minh. 30 avril. Objectif : passer la frontière le 2 mai, dernier jour de mon visa vietnamien. Près de 300km en 3 jours. Pour une reprise après 2 mois de glandouille derrière une moto, c’était pas mal. Trop, avec le recul.
Revenons d’abord rapidement sur cet intermède « tandem » un peu spécial. Débuté au sud du Laos, terminé au sud du Viet-Nam en passant par le nord des deux pays, nous avons parcouru plus de 5000km grâce aux multiples tendeurs (paix à leurs âmes) et morceaux de cordes. Les techniques de traction n’ont cessé d’évoluer parallèlement à notre assurance. Hésitants au départ, les derniers virages étaient beaucoup plus maîtrisés, la concentration moins accrue, les routes plus pourries, ce qui nous a donc valu une chute chacun. Je finirais donc par cet avertissement de la WWE :
Ainsi je me retrouvais donc une fois de plus seul sur les routes, avec cette fois une chaleur insoutenable qui m’obligeait à m’arrêter tous les 10km sous peine de m’évanouir malgré un tee-shirt humide sous le chapeau… Cela aurait encore pu n’être qu’un petit désagrément habituel si mon genou droit n’avait pas décidé de me lâcher après 30km. Étant coutumier des problèmes aux genoux qui ne m’avaient pour l’instant jamais trop handicapés, je me dis que la nuit soignerait bien tout ça malgré 40km supplémentaires en me tenant le genou. Que nenni, la douleur revient après 5km le lendemain. Impossible de faire du stop sur cette route, et concernant les bus, mis à part le fait que ça ne me branche pas du tout, je sens les autochtones dans l’incapacité la plus totale à m’expliquer comment ça marche. Continuons donc avec une seule jambe. Le deuxième effet Kiss cool c’est bien sûr le nombre de kilomètres pour atteindre la frontière qui ne cesse d’augmenter à mesure que je m’en approche.
À 18h, je n’ai roulé que 40km à force de m’arrêter à cause de la chaleur. Le soleil se couche, je me vois donc condamné à réaliser un nouvel exploit cycliste pour ne pas avoir à faire plus de 50km le lendemain puisque la frontière fermera sans doute à 17h environ. Donc en résumé je me suis fait un petit 160km uniquement sur la jambe gauche à environ 15km/h de moyenne. Forcément ça va moins vite… L’occasion au passage de découvrir que les Viet-Namiens ont de vrais supermarchés contenant tout ce que l’on peut réclamer en nourriture décente. On se met alors un gros facepalm en repensant à leur triste alimentation quotidienne que nous étions obligés de consommer aussi.
Bref, le temps d’une autre nuit et d’une bonne douche au parfum Fion, je m’y remets avec l’espoir vite dissipé que le genou irait mieux.
Il reste 50km jusqu’à la frontière que je passe à 15h après qu’on m’ait stoppé 5 minutes au premier poste frontière. Ils ont eu un peu de mal à admettre que j’étais bien le propriétaire du passeport :
Et après la frontière, c’est no man’s land. Trois gamins qui sortent de derrière un buisson, un pick-up par heure et c’est marre. J’hésite à remplir mon premier objectif qui était de me rendre sur les plages du sud (à 100km environ) mais le genou me lance de plus en plus, simplement quand il bouge. Finalement j’aurais toutes les peines du monde à rallier Takéo, m’arrêtant même quasiment tous les km pendant 10 minutes sur la fin.
Le lendemain, je prends le bus pour Phnom Penh, la capitale, après de nouvelles hésitations quant à ma destination (un séjour au sud, dans une zone touristique et sans moyen de transport individuel, je préfèrais ne pas y penser). Je glande alors une semaine à l’auberge en attendant que le genou se remette à coup d’anti-inflammatoires, glace, étirements, repos, eau (merci à Claire-Lise pour ses diagnostics par mail), ne m’autorisant que quelques rares sorties à pied. Et pas moyen de consulter un toubib compétent dans ce pays. Le seul que j’ai réussi à voir était un généraliste gangréné de la pastèque qui a voulu me soigner une constipation inexistante. Cette sortie chez le médecin m’aura permis de découvrir la piscine municipale en pleine rue et de retrouver les joies d’une mousson en pleine poire.
Mes espoirs de poursuites en vélo depuis Phnom Penh s’étant à leur tour envolés, je me suis rendu en bus à Siem Reap (les enfoirés m’ont fait payé le vélo plié 5$. Ça donne presque envie de le remonter pour la peine, et hop démerdez-vous avec).
Et à Siem Reap, rebelote : glace, repos, etc. Sauf que cette fois je ne peux pas manquer de visiter les temples d’Angkor à 5km d’ici avant de partir.
Le 18, je ne ressens plus de douleurs dans les genoux en marchant, je tente donc une sortie vers Angkor. Comme il paraît que camper est dangereux, je commence à me chercher un petit coin de forêt à l’abri des flics et autres malfaisants quand un chauffeur de tuk-tuk voyant mon entêtement à dormir dans la forêt, me rappelle (il m’avait conseillé de retourner en ville dans une auberge), et m’invite à passer la nuit chez lui, avec tout le reste de la famille. Une dizaine de personnes, une moyenne d’âge de 15 ans environ. Une jeune fille que je prends pour sa soeur de 13 ans commence à donner le sein au gamin de 9 mois. Euh… quel âge a ta femme? « 18 ans, c’est jeune hein? » Ouais c’est jeune mais bon ça va… je suis quand même rassuré.
Il tire deux fils qu’il branche à la batterie qui leur fournit le jus, et voilà ma chambre en bambou fournit en électricité. Cette chambre donc, est composée d’un matelas servant a priori de paillasson à l’occasion, d’une moustiquaire trouée et d’une marmite remplie de grains pour les poules. C’est important pour situer le contexte… Enfin, ça ne m’a pas empêché de dormir et de partir tout fringuant le matin pour visiter les temples d’Angkor. Et même si j’ai commencé par vous parler constipation et qu’Alex, au même endroit avait préféré vous causer caca dur, caca mou, je vais quand même vous poster quelques photos de temples, on est pas n’importe où quand même.
Sur ce, crapahuter dans les temples et pédaler tranquillement toute la journée aura simplement réduit mes efforts de récupération à néant. Me voici revenu au pic de douleur maximum et me voilà bon pour 2 ou 3 semaines de repos facilement. Mon porte bagage s’est entre-temps littéralement fendu en deux, mon compteur ne fonctionne plus. Y a pas à dire, le Cambodge, ça me réussit. Heureusement, j’arrive à Bangkok, je vais pouvoir consulter des compétents pour me soigner. Faut pas se gaspiller. Fini les shampouineuses!
Il va falloir vous habituer à voir des tâches sur les photos en contre-jour, j’ai quelques problèmes avec mon objectif…
Et pour finir, des petits plaisirs immortalisés :