Une petite semaine en Ouzbékistan
Notre arrivée à l’aéroport de Tashkent (Ouzbékistan) pour éviter le Turkmenistan a bouleversé tous nos plans. Nous avions prévu de traverser le pays d’Ouest en Est et nous voici collés à frontière kazakh sans vraiment le temps de revenir en arrière, puisqu’Alexandre (mon frère pour les profanes), nous attendait déjà au Kirghizistan après une séparation de plus de 6 mois… Afin de mûrir notre décision, nous choisissions d’aller visiter l’architecture des bars de la ville et d’admirer les genoux féminins que six semaines d’Iran soulignaient avantageusement.
Puis nous nous embarquions dans un train en direction de Samarcande, pour regoûter aux joies du transport ferroviaire d’URSS. En bon initiés, nous avions prévu la vodka, les cornichons et le fromage salé pour faire honneur à nos voisins, qui se sont avérées être deux vieilles ouzbeks qui ne buvaient pas mais qui étaient malgré tout très sympathiques. Les contrôleurs, eux, ne rechignaient pas à venir réclamer leur dû après nous avoir évité de nous faire pincer par la police pour cette bouteille.
Car si les Ouzbeks sont hospitaliers, la milice locale laisse plutôt à désirer. Non seulement il faut s’en méfier dans la rue (quand on compte ses billets sur le marché noir) ou sur la route, mais ils ont aussi réussi à inventer un système d’enregistrement complètement inepte, l’OVIR, qui oblige à s’enregistrer dans un établissement agréé tous les soirs sous peine d’une amende défiant toute logique. Pratique lorsqu’on voyage à vélo et qu’on dort sous la tente. Un couple d’Ukrainiens quelques jours après notre arrivée a visiblement dû payer près de 5000$ pour ce manquement. D’après les rumeurs, les cyclistes ont droit à quelques exceptions mais rien n’est moins sûr.
Quoi qu’il en soit, dans l’incapacité de voir Bukhara ou encore Khiva (les deux villes qui nous attiraient le plus), nous étions bien décidés à au moins visiter Samarcande et la Ferghana vallée. Samarcande… oui, bon, je n’ai pas réussi à m’enthousiasmer. Les bâtiments sont jolis, c’est indiscutable, mais l’ambiance était sans doute un peu trop propre et organisée. Dans ces cas là tout le côté historique (Tamerlan notamment) peut rattraper le tableau mais là non, décidément, j’étais indisposé à m’immerger malgré un séjour agréable. Sans doute était-ce ce voyage en train à contre-sens depuis Tashkent que nous avions effectué pour aller visiter un site touristique. Exactement ce que je déteste faire. L’aurais-je plus apprécier en arrivant du Turkmenistan? J’admets que la question peut paraitre stupide.
Bref, je vous colle deux photos du « Registan » pour vous représenter un peu le style de la ville car j’ai pas le coeur à vous faire une description à la Zola.
Et finalement, ce qui m’aura le plus amusé pendant notre randonnée cycliste de retour à Tashkent furent les vieux bâtiments délabrés de l’époque communiste et notre découverte de l’Islam-vodka.
Un soir, alors qu’une tempête de sable complètement inattendue se levait, Momo nous invite chez lui dans un ouzbekh impeccable que nous ne déchiffrons même pas un peu. Complètement lessivés par la journée de vélo, Florian se réjouit que le type soit musulman : « au moins, il n’y aura pas de vodka ce soir« . J’aurais dû le filmer. Cinq minutes plus tard, les enfants sont priés de sortir du salon et plof! une bouteille arrive sur la table. Bien entendu, la vodka d’Ouzbékistan ne se refuse pas plus que le thé d’Iran, question de politesse. Mais tout de même, j’interrogeai notre hôte dans un russe primaire :
« Tu es musulman et tu bois de l’alcool? »
« Oui mais là j’ai des invités, je suis obligé. »
C’est commode, les invités. Et nous terminions la soirée en faisant le geste de remerciement d’Allah en « s’essuyant » le visage.
D’autres Ouzbeks nous feront le même coup deux jours plus tard : à peine débarqués dans un petit restaurant de campagne, trois gugusses à la mine joyeuse nous invitent à partager le repas et leurs troisième et quatrième bouteilles de vodka. Et là, surprise, après avoir échangé les habituelles obscénités toutes masculines de ce genre de situation et fini de boire les récipients, nous sommes encore invités à remercier le tout puissant. Il s’est en plus trouvé que le plus saoul et bourru de tous était le patron et que nous partîmes donc sans payer.
Avec tout ça, on va finir par croire que nous pédalons tout le temps bourrés alors que nous n’avons pas toujours besoin d’alcool pour nous divertir. Lors d’une soirée un peu trop fade, Florian a su employer les grands moyens pour rompre la monotonie : bataillant une fois de plus avec un réchaud à pétrole chinois des plus récalcitrants, ce dernier lui répond avec brio en explosant. J’entends un gros brouf! et aperçois une boule de feu de 2m de haut et 1m de large lui exploser dessus. En deux secondes, je le vois gicler en arrière puis se relever en tentant d’éteindre le feu qui brûlait encore ses jambes. Le temps que j’arrive, le pétrole a fini de se consumer sur ses guiboles et je fonce alors sauver la tente qui menaçait de s’enflammer. Ô belle soirée! Pas du genre à trop s’alourdir avec une trousse de premiers secours, on limitera les dégâts en appliquant des fringues mouillées sur les brûlures.
Le mieux, c’est qu’il lui a fallu pédaler le lendemain sous plus de 30˚C… Trois poils de chance dans le malheur : c’est le seul jour où il ne portait pas son pantalon synthétique, le seul jour où je n’ai pas mangé en face de lui, et je n’ose imaginer le résultat de l’opération s’il avait cuisiné sous l’abside de la tente.
De retour à l’auberge de Tashkent, la réceptionniste commence à s’inquiéter de nos quelques jours de camping et à se demander si les types de l’Ovir ne vont pas nous pondre un fromage pour si peu. Sachant qu’un passage par la Ferghana vallée nous obligeait encore à camper près d’une semaine, un simple échange de regard avec Florian a suffi : demain, on se barre au Kazakhstan, on va pas passer la semaine à se demander de combien sera l’amende à la sortie, ça gâcherait le voyage. Nous n’aurons donc passé qu’une petite semaine ouzbek, c’est court mais notre patience à conneries a ses limites.
L’autre côté amusant du passage de la frontière, c’est qu’ils peuvent aussi se décider, sans avoir à se justifier, à vérifier toutes les photos et vidéos qui se trouvent sur votre ordinateur et dans votre appareil photo, et même le contenu des livres électroniques… S’ils tombent sur une photo d’un bâtiment officiel, de votre ex nue, ou pire, un boulard de chez Dorcel, ça va valser! Et ils ont déjà bloqué des voyageurs plusieurs heures le temps de vérifier chaque photo! Bref, après s’être notamment interrogé sur la légalité d’une statue de femme à poil, on a préféré tout dissimuler en fichiers cachés pour éviter de perdre du temps. Et bien sûr, on a pas été contrôlé…